1. Définir le besoin et éliminer ce qui n’est pas essentiel

Plus on intervient tôt, c’est à dire lors de l’expression du besoin, de la conception fonctionnelle, du maquettage, plus l’effet de levier est fort en terme de réduction de l’empreinte environnementale

Frédéric Bordage, Ecoconception / les 115 bonnes pratiques

Avant de passer à l’étape de conception, il est crucial d’évaluer précisément les besoins pour éviter d’ajouter sans le vouloir des fonctionnalités inutiles. Environ 45% des fonctionnalités demandées ne sont jamais utilisées, et 70% ne sont pas essentielles (Ecoconception / Les 115 bonnes pratiques). La définition du besoin est donc une étape capitale et doit se faire avec les parties prenantes au projet.

L’écoconception est donc une démarche globale d’amélioration continue, dont l’objectif est la réduction des impacts environnementaux, notamment via la sobriété numérique. L'une de ses clés principales est l’unité fonctionnelle.

L’unité fonctionnelle correspond à la fonction principale que remplit le service et se traduit souvent par un acte métier. Par exemple : “Acheter une place de concert”, “Regarder une vidéo de 5 mn depuis un smartphone en 4G”, “Rechercher un numéro de téléphone”, “Échanger 20 mn en visio”, “Prendre RDV chez le médecin depuis un ordinateur portable”…

Les questions à se poser

Le premier besoin à évaluer est celui du service numérique en lui-même :

  • L’utilisation du numérique pour ce service est-elle nécessaire ?
  • Existe-t-il d’autres solutions non-numériques pour répondre à ce besoin ? (exemple dénumériser).

On peut ensuite s'interroger sur les autres besoins à définir :

  • Quels sont les réels besoins justifiant la création du service ?
  • La valeur ajoutée du service justifie-t-elle la mobilisation des ressources requises pour sa création ? Est-ce qu’on crée plus de valeur qu’on en détruit ?
  • Cette fonctionnalité est-elle vraiment nécessaire ? Est-ce qu’on peut faire autrement ?
  • Que se passerait-il si on ne l’avait pas ?
  • Quelle est la quantification minimale répondant aux besoins des utilisateurs ? Nombre de résultats, résolution d’image, qualité de son, durée de vidéo…

Exemple de fonctionnalité non-essentielle

BBC podcast nous offre 2 choix de téléchargements : “haute qualité” et “basse qualité”.

Par défaut, si on ne connaît pas l’impact de l’un ou de l’autre, on va choisir l’option “haute qualité” qui est 2 fois plus lourde. Or à l’oreille la différence n’est pas ou peu perceptible.

L’unité fonctionnelle est certainement “Écouter une émission en podcast” et non pas "Écouter une émission en haute qualité ou basse qualité”

On pourrait donc ici éliminer une fonctionnalité non-essentielle et ne garder qu’une option de téléchargement : l’option basse qualité, sans la nommer ainsi !

Page podcast de la BBC avec un bouton Download (Télécharger) et 2 options de téléchargement “Higher quality” et “Lower quality”
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Le rôle indispensable de l’expérience utilisateur (Green UX)

La Green UX désigne le fait de rester centré sur les besoins réels et les attentes des utilisateurs, pour limiter son impact environnemental. Ecoconcevoir, c'est revenir aux principes fondamentaux de la conception centrée utilisateur, parfois dévoyée à des fins commerciales (voir la partie Le risque de Greenwashing et Captologie, attention & design persuasif).

Aller à l’essentiel du besoin ne va pas au détriment de l’expérience utilisateur, bien au contraire. Un exemple pour illustrer ce principe est la différence entre l’approche de Google qui propose un logo et un simple champ de saisie, par opposition à la page d’accueil de Yahoo! chargée d’informations inutiles : météo, bourse, actualités, horoscope, publicités, etc. (Ecoconception / Les 115 bonnes pratiques).

Sans compter le nombre de requêtes serveur au moment du lancement d’une recherche, ces 2 exemples extrêmes répondent au même besoin attendu d’un moteur de recherche, à savoir l’unité fonctionnelle “Effectuer une recherche sur le web”, mais avec 2 approches UX complètement différentes. La première approche est la plus efficace en termes de besoin, mais également la plus appréciée des utilisateurs. D’autres moteurs de recherche tels que Qwant ou DuckDuckGo, plus respectueux de la vie privée, utilisent également ce principe de simplicité.

De plus, appliquer une approche “Green-UX” a des conséquences sur l’ensemble du processus de fabrication du service numérique :

  • les décisions concernant la composition d’une interface,
  • le choix de composants et de fonctionnalités,
  • le parcours de navigation.

Cela se répercute automatiquement sur les métiers du design, du développement, de la mise à jour et de la maintenance du service. Il est donc primordial d’avoir une réflexion de sobriété et d’efficacité orientée sur les utilisateurs et utilisatrices afin de réduire l’empreinte environnementale finale du service.

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Autrices du guide : Aurélie Baton et Anne Faubry.